jeudi 28 février 2013

LA GUERRE DES TUQUES: Yes sir !






Je nous souhaite des hivers blancs à perpétuité et, surtout, que ce spectacle nous donne ou redonne le goût de profiter de cette merveilleuse saison qui nous caractérise autant.

Jean Bélanger
Directeur artistique Théâtre Sous Zéro


  
Photo: L.L.



Voici le paysage féérique que nous avions sous nos yeux éblouis, au coin de Grande-Allée O. et Cartier le 21 février dernier, quelques instants après avoir assisté à la représentation de LA GUERRE DES TUQUES, version Théâtre Sous Zéro. L'hiver semblait s'être invité lui aussi. Il ne voulait pas rater cette adaptation du deuxième Contes pour tous des productions La Fête. La pièce était présentée au MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC.

La mise en scène, de Fabien Cloutier, absolument dynamique et magique, parce que jouée à l'extérieur avec des comédiens qui, tout en travaillant, nous ont semblés s'être amusé comme de vrais petits fous. Des comédiens qui n'avaient pas froid aux yeux. Avec lesquels nous avons partagé cette histoire qui nous rappelle les jeux et guerres de l'enfance, ceux que nous pratiquons encore en tant qu'adulte. Si l'éclairage naturel de cette lune qui s'en allait vers son plein, ceux de Bernard White, absolument sorciers et cinématographiques, venaient bonifier l'atmosphère hivernale de cette véritable soirée de rêve !


Le fort, le feu,
le piège, la neige;
l'amour, l'amitié,
la guerre, la mort.

Cléo,Ti-Guy, Luc, François
Sophie, Pierre, Chabot,
Daniel Blanchette;
ils étaient tous là,
avec Ti-Jacques et madame Sirois,
et le petit frère

revenus jouer avec toi et moi
sur les Plaines d'Abraham Martin,
celles qui un jour de septembre 1759
ont vu du vrai sang
colorer le front de ses enfants

Il y avait du mystère autour de la lune ce soir.
Il y avait de la chaleur en dedans de nos coeurs.
Il y avait aussi de la paix, des rires et de la peur.
De celle qui encercle les lendemains d'Apocalypse.









 Photo: L.L.


 La lune de Ti-Guy, le 21 février dernier 
(au coin de Grande-Allée O. et Cartier)
Photo: L.L.



Pour ma part, honte à moi, c'était mon baptême Cloutier. J'ai enfin pu me rendre compte de ce « grand talent » et de tout le bien que l'on en dit dans les divers médias. Fabien Cloutier, auteur/conteur/acteur/metteur en scène, originaire de Sainte-Marie de Beauce, nous a incontestablement servi une pièce sur mesure, la sienne, celle qui le caractérise si bien, lui, en tant que chef de meute des auteurs trash-trad. Je me souviens de lui dans la superbe et inoubliable CHARBONNEAU ET LE CHEF de Jean-Philippe Joubert : « Fabien Cloutier, que je découvrais ce soir et qui m'a immédiatement conquise par son naturel » puis dans la folle et magnifique KLINIKEN, en novembre 2010, là où il était le gardien Tomas qui « gave de pilules et surveille ses (im) patients, qui au moindre écart se fait aller le sifflet...», puis dans la monumentale ODYSSÉE de Martin Genest, en avril 2012, là où il pris la peau de quatre personnages dont celui du superbe Poséïdon, et puis dernièrement, en novembre 2012, dans l'excellent et poignant PROJET LARAMIE du grand Gill Champagne. Il était fort touchant, surtout dans les rôles du prêtre et du policier. Il ne laisse personne indifférent. J'ai pu lui serrer la pince après cette prestigieuse prestation. Je lui avouai que je n'avais pas encore assisté à ses solos mais lui promettais que j'irais voir SA guerre en février prochain. Voilà, c'est fait. Ne me reste plus maintenant qu'à rattraper le temps perdu. Mais peut-être y aura-t-il un jour, et c'est à souhaiter, une soirée Cloutier avec Cranbourne et Scotstown, ses contes (pas pour tous ceux-là), ceux dont nous avons tant entendu parler...en bien. En attendant, Billy (les jours du hurlement) sera à l'affiche au Périscope à l'automne prochain. Et on y sera, cette fois.



Fabien Cloutier,
capteur de rêves et d'apocalypse
(avec une tuque !)
 Photo: Le Soleil


Fabien Cloutier
L'annonce de l'Apocalypse
21 décembre 2012

Dans ma cour, au matin de la représentation du 21 février 2013
Photo: L.L.





vendredi 22 février 2013

FRANKENSTEIN: La quête


 
Étienne Pilon, la Créature
Photo: Vincent Champoux

Daniel Bamdad, mannequin
collection Philippe Plein, automne



Le Feu, rage de petite étincelle, observe l'eau des souterrains. Il est agité, il voudrait remonter à la surface, se rouler dans l'herbe, partir en fumée, disparaître. Mais il couve sous terre, il attend la foudre des armes aux côtés de ses racines brûlées. Il faut ou il ne faut pas: le présent c'est toujours aussi embarrassant. Mais un jour, il le faudra. Il le faudra bien. Partir. S'éloigner du soi/moi. Du sous-sol des pauvres rats. Envisager le détournement majeur. Virer boutte pour boutte. Traverser le cul-de-sac des calamités. Fleurir le Néant. Déterrer le Miracle. Aboutir.



Frontispice de l'édition de 1831



Le 31 janvier dernier, dans la salle Octave-Crémazie du GTQ, nous avions rendez-vous avec une époque qui ne nous a pas semblée si lointaine que ça: 1818. Il y aura donc bientôt deux cents ans que la jeune Mary Shelley imagina cette histoire de science-fiction qui n'en finit plus de se métamorphoser au gré des saisons. Une histoire qui s'apparente drôlement à ce que l'humanité actuelle traverse comme évolution scientifique dans un contexte de pessimisme politique rempli de malversations et de corruptions de tout genre. Le FRANKENSTEIN de Nick Dear, qui donne la parole à la Créature, fait réfléchir la plupart de celles que nous sommes devenues.

Entre le bien et le mal, le feu et la glace, l'acier et la forêt, les hommes et les bêtes, nous avons fait connaissance d'un monde peuplé de terrassés/terrassants, dominé par des dominants, instruit par des éduqués, oppressé par des tyrans, soigné par des charlatans, payé pour être mal-entendants, aveuglé par le bleu du firmament. Ce monde fait de faux-semblant, qui remplit de botox les rides du Temps, qui charcute et vide le ventre des petits enfants, qui court après ses tripes au vent, qui illumine les ténèbres, qui embrase la terre, qui couche avec les vers, qui meurt sous la mer...

La mise en scène de Jean Leclerc nous a promenés dans les environs nébuleux de cette race de monde qui n'en finit plus d'exister pour essayer d'être. Certaines scènes éblouissantes, dignes de Broadway, nous en ont mis plein la vue, d'autres plus épurées ont révélé le talent indéniable des interprètes. L'alternance des rôles a fait d'Étienne Pilon qu'il fût notre Créature ce soir-là. Christian Michaud lui donnait donc la réplique en tant que docteur Victor Frankenstein. Un excellent duel d'acteurs. Le reste de la distribution, composé de mesdames Catherine Hugues, Linda Laplante, Éva Saïda, Danièle Belley, Meggie Proulx Lapierre et de messieurs Jean-Jacqui Boutet, Pierre ChagnonPierre Colin, Eliot Laprise et Nicola-Frank Vachon a donné la pleine mesure à ce spectacle que nous ne sommes pas prêts d'oublier.



La co-population dans le ventre des cœurs brisés/la banquise au nord des sentiments/les bras forts autour des doutes de l’amour/les restants de vent étreignant les feux roulants/L’air de rien de la terre sous le blues des nuits sans fin...
FRANKENSTEIN


TEXTE: Nick Dear d'après le roman de Mary Shelley
TRADUCTION: Maryse Warda
MISE EN SCÈNE: Jean Leclerc
SCÉNOGRAPHIE: Michel Gauthier
COSTUMES: Luce Pelletier
ÉCLAIRAGES: Sonoyo Nishikawa
MUSIQUE: Paul Baillargeon et les Frères Grands
CHORÉGRAPHIES: Lydia Wagerer
VIDÉO: David Leclerc
MAQUILLAGES ET EFFETS SPÉCIAUX: Élène Pearson


Photos du spectacle:
http://www.flickr.com/photos/letheatredutrident/sets/72157632553877722/




lundi 4 février 2013

CHARME: du coeur à l'âme




Une lumière spectrale de candeur étendue dans les beaux draps de satin graffigné du sceau du destin. Une atmosphère réconfortante pour l'oeil gelé des derniers jours. Une place réservée et toujours de choix...





À la vue du chaleureux décor, nous nous sommes immédiatement réfugiés sous le CHARME de Joëlle Bond. Nous avions encore à l’esprit son superbe CARDIGAN DE GLORIA ESTEBAN qui nous avait transportés dans les contours mystérieux de l'âme des femmes. À nouveau, elle récidive avec cette pièce qu'elle et Jean-Sébastien Ouellette ont mise en scène pour le public de chez PREMIER ACTE. La salle était pleine à craquer. Il y planait comme une odeur de chasteté « dans nos corps de jeunes filles »...



Photo: A. Langlois
Laval-des-Rapides
1967


Comme un rendez-vous en cachette, comme la toute première cigarette, comme le premier slow, comme le premier french kiss,  nous nous sommes enlacés à travers une époque qui donnait souvent lieu à des situations gaies puis désespérées, là où les émotions à fêlures de peau flottent autour de nos petits corps pris « entre les deux mon cœur balance »…






Y’a des âmes en pleurs qui peuplent des placards remplis de vide, des femmes en fleurs qui jamais n’en sortent, des femmes qui chantent très tard le soir dans des bars miteux de la main, des bras de quinqua qui ballottent au vent de la sécheresse, des rides au creux de leurs amours perdus, des brouhahas qui se terrent dans leurs têtes à claques, des viols lents au bout de leur langue percée de baisers sulfureux, des risques d'aimer dans le métier de femme immense et typée, des maquillages outrageusement ordonnés qui fondent des familles éparpillées, des tickets de bus achetés puis déchirés, des larmes au fond de regards bienheureux, des chansons d'effet mère, des prières de pacotille…et des adieux…

CHARME, c’est un peu tout ça. Du vous, du moi, du elles, du eux; de l’enfer, des cieux; de la misère coupée en deux, des cellules, de la liberté. CHARME, une histoire qui n'en finit plus de s'arrêter au beau milieu de la vie, des hommes...et des je te veux...




ELLE EST LIBRE



PRODUCTION: Le Petit Luxe
TEXTE: Joëlle Bond
MISE EN SCÈNE: Jean-Sébastien Ouellette et Joëlle Bond
SCÉNOGRAPHIE: Ariane Sauvé

DISTRIBUTION  
Ann-Sophie Archer
Marc Auger-Gosselin
Frédérique Bradet
François Édouard Bernier
Claudiane Ruelland
Sophie Thibeault

Et dire que j'ai lu ça...
un jour...un jour...


SOURIEZ. 
SOURIEZ SOUVENT.


C’est une habitude charmante qu’il vous faut cultiver. Elle vous donnera une expression jeune et séduisante tout au long de votre existence. Et à la longue, votre humeur
s’y assortira, car elle reflète votre MOI intime.
Joëlle Bond


En 67, tout était beau...




BRITANNICUS: Langue vivante dans le vin aigre-doux des palais en feu



Photo: Nicola-Frank Vachon



Entremetteur: Pâtissier dont les délicieux entremets favorisent les rencontres.

Marc Escayrol


Mots et grumots


y a un Réverbère
tout au fond de moi
qui éclaire chacun de mes pas
je suis ici-bas, dans tous mes états
et c'est très bien comme ça

Arianne Moffatt



Néron, œuvre en marbre du Ier siècle
Musée du Palatin (Inv. 618)


C’est toujours un réel plaisir que d’assister à une pièce présentée au Théâtre de la Bordée. Parce que nous sommes toujours aussi curieux de voir ce que l’on nous servira sur son prestigieux plateau: entrées spectaculaires, plats de résistance juteux et nourrissants, entremets croustillants ou fondants, bombes glacées, savoureux soufflés, vins pétillants. Nous sortons toujours de ce palais aussi satisfaits d’avoir pu savourer des textes qui n’en finiront jamais d’être «  à la mode ».

Ma copie
Photo: L.L.



BRITANNICUS, toujours à l'étude

Ainsi, en ce soir glacial du 24 janvier dernier, nous avons eu à renouveler ce plaisir qui est celui de côtoyer des personnages d'une antiquité pas si lointaine que ça. Les Britannicus, Néron, Burrhus, Agrippine  et compagnie ont tour à tour fait leur apparition dans l'éclatante mise en scène, tout à fait contemporaine, de Jean-Philippe Joubert. Nous avons ainsi pu constater toute la ressemblance des caractères et agissements radicaux des grands de ce monde qui n’en finiront jamais de nous achever.
Dotée des talents indéniables de la scène de Québec, nous avons ainsi pu goûter chacune des répliques sismiques de ce super classique du père Racine. Agrémentée de décors et musiques « modernes », les protagonistes donnaient ainsi l’impression d’avoir toujours habité ces lieux antiques qu’étaient les salons fastueux de Rome. Leur lumière, via leur brillante interprétation, est venue rallumer le réverbère de nos consciences qui ont parfois la fâcheuse manie de se laisser aller aux noirceurs de ce monde de cendres…
La jalousie, l’hypocrisie, les coups par en-dessous, les complots, les supercheries, tout était en place pour cet épuisant quadrille de l’honneur. Mais il y avait aussi de cette misère noire que possèdent les hommes gris, ceux qui sont pris entre l’arbre et l’écorce de leurs amours impossibles, ceux qui convoitent la pulpe des doigts rosés des promises, ceux qui fomentent l’assassinat de leurs géniteurs, ceux qui mettent à feu et à sang l'âme de leurs habitants, ceux qui finissent par avaler la couleuvre, ceux qui déchirent la toile du temps, ceux qui s'aiment à tout vent...


 Illustration: L.L.

Soir après soir, parce que les Comédiens savent combien j'apprécie leur nourrissante présence, je ne parlerai pas de leur magnifique prestation de ce soir, mais de cette franche camaraderie qui fait qu'ils font UN lorsqu'ils jouent ensemble à nous refaire le monde. Simplement, merci.



Photos: L.Langlois


BRITANNICUS

Texte: Jean Racine
Mise en scène: Jean-Philippe Joubert
Distribution: Chantal Dupuis, Érika Gagnon, Laurie-Ève Gagnon, Jacques Leblanc, Olivier Normand, Jean-Sébastien Ouellette, André Robillard

Conception


Assistance à la mise en scène: Caroline Martin
Décor: Claudia Gendreau 
Costumes: Julie Morel 
Éclairages: Félix Bernier Guimond 
Musique: Mathieu Campagna